Aujourd’hui, je vous propose de vous plonger dans l’univers d’une artiste phare du lettering contemporain. Grâce à l’amour de son pays d’origine, Louise Fili fait revivre le style des enseignes du siècle dernier dans le New York de maintenant. Un classique à découvrir ou à redécouvrir.
Une influence venue d’un autre siècle
C’est à l’âge de 16 ans, au cours de son premier voyage pour découvrir la Sicile natale de son père, que Louise Fili trouve sa source d’inspiration principale qui donnent à ses travaux cette touche si singulière. En arrivant à Milan, ses yeux se posent sur un panneau d’affichage pour les chocolats Baci Perugina. Elle est alors frappée par la simplicité de la composition. La beauté des lettres et des illustrations employée contrastent avec les publicités qu’elle connaissait jusqu’alors. C’est également cette même année qu’elle débute la calligraphie en achetant un stylo par correspondance via le New York Times. Le virus du lettrage l’avait piqué et ce pour le reste de sa vie.
« There were a few things I did know when I started my business. I knew I wanted to stay small and I always have. I also wanted to focus on the only three things that interest me: food, type, and all things Italian. »
« Il y a certaines choses que je savais avant de lancer mon studio. Je savais que je voulais rester petite et je le suis toujours. Je savais aussi que je voulais me focaliser seulement sur les 3 choses qui m’intéressent : la nourriture, la lettre et tout ce qui touche à l’Italie. »
De l’apprentie au maître du lettering
Après des études d’arts au Skidmore College et à la School of Visual Arts, Louise Fili rentre en 1975 dans le studio du légendaire Herb Lubalin, designer graphique et typographe, notamment reconnu pour la création de la police Avant Garde. Elle y découvre alors que la typographie est un véritable outil pour le designer et pose ainsi les bases de son futur travail. L’ordinateur n’étant pas d’usage dans la profession à cette époque, c’est également là qu’elle apprend d’abord à travailler la lettre à la main.
Par la suite, elle rejoint Pantheon Books en 1978. L’éditeur lui offre l’occasion de faire ses armes et d’utiliser son savoir-faire acquis précédemment. Les couvertures des livres sont alors d’un ennui mortel. Elles se ressemblent toutes, avec les mêmes standards, sans se préoccuper des sentiments qu’elles peuvent véhiculer : des grosses lettres bien grasses criant le plus fort possible. Louise Fili se voit donc confier le design de l’œuvre phare de Marguerite Duras, L’amant, et réussit à y insuffler la finesse et l’élégance dont l’œuvre a besoin pour s’exprimer. C’est un énorme succès ! Elle bouscule ainsi les codes établis et instaure un nouveau standard où la typographie sert le contenu.
Durant 11 années, elle explorera librement 2000 couvertures de livres, développant ainsi son futur style artistique si reconnaissable. Puis, à la suite de son congé maternité en 1989, la lassitude s’empare d’elle. Louise Fili décide donc de se lancer en indépendante et de fonder son propre studio à New York. Louise Fili Ltd était né.
« If you have a problem with my being female, then I don’t want you as a client. »
« Si vous avez un problème avec le fait que je sois une femme, alors je ne vous veux pas comme client. »
Le studio
Dès le départ, Louise Fili sait quelle direction elle veut prendre avec son studio. Elle commence par choisir de le nommer avec son propre nom pour affirmer sa condition de femme entrepreneuse, une chose peu commune à cette époque. Ainsi, elle envoie un signal fort : si ça vous déplaît, je ne vous veux pas comme client !
Souhaitant également travailler autour de ses trois passions que sont la nourriture, la lettre et l’Italie, elle débute ses premiers travaux par la création d’enseignes pour des restaurants new yorkais. Le démarrage est alors délicat. Elle doit d’abord faire tout un travail d’éducation, en expliquant à ses clients pourquoi ils doivent payer le graphisme, puis l’impression.
La qualité de son travail parlant d’elle-même, sa notoriété grandit et son champ d’action s’étend rapidement aux packagings et aux logotypes dans son domaine de prédilection : l’alimentation.
Petit à petit, elle fait du lettering sa spécialité. Dans un monde où la conception par ordinateur est omniprésente, l’authenticité et la personnalisation de ses lettres faites main apportent une touche de singularité et d’originalité à ses travaux.
Aujourd’hui encore, Louise Fili garde la main sur le process de création, puisqu’elle est à l’origine de chaque projet où elle réalise elle même les esquisses jusqu’aux dessins finaux. Seule la partie de digitalisation est laissée à ses assistants, dont plusieurs finiront par voler de leurs propres ailes et se faire un nom. Parmi eux, nous pouvons citer les très connus Jessica Hische, Nick Misani, Spencer Charles et sa femme Kelly Thorn, ou encore Dana Tanamachi.
Ses sources d’inspiration
Amoureuse de son pays d’origine et de l’Europe latine en général, Louise Fili y retourne régulièrement pour y nourrir sa créativité. Elle s’intéresse tout particulièrement à la typographie et aux styles artistiques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : le Modernisme ou Art nouveau, et l’Art déco. Ces deux mouvements artistiques se succèdent et s’opposent. Le premier prône une inspiration venant de la nature, tout en courbe, en rythme et coloré. Alors que le second cherche à instaurer l’ordre par une géométrie sans fioritures.
Ses travaux s’inspirent de ces deux courants, mais elle ne se contente pas uniquement de les imiter. Elle s’en imprègne, les réinterprète en retravaillant les compositions et les couleurs pour les mettre au goût du jour, se réappropriant ainsi le passé.
Un projet personnel à valeur historique
Pour Lousie Fili, il n’est possible de grandir et d’évoluer dans son métier qu’avec des projets personnels. Pour cela, elle se lance dans un premier reportage photo, où elle chasse les enseignes et la lettre dans plusieurs villes d’Italie. Elle publie son premier livre Grafica della Strada: The Signs of Italy en 2014. S’en suivra au total une vingtaine d’ouvrages, dont certains co-écrits avec son mari, Steven Heller, historien en design. Ces publications sont de véritables hommages à un savoir faire aujourd’hui perdu, et permettent de garder une trace d’une partie de notre histoire qui tend malheureusement à disparaître.
Pour conclure cet article, vous trouverez ci-dessous de quoi plonger plus profondément dans l’univers de l’artiste. Alors on se motive, on reprend les crayons, et surtout n’oubliez pas :
« Follow your heart,” says Louise. “Find something that you are passionate about and combine that with the design. »
« Suivez votre cœur” dit Louise. “Trouvez ce qui vous passionne et combinez-le avec le design. »
Où trouver Louise Fili
💻 Louise Fili Ltd | 📷 Instagram | 🐥 Twitter
Quelques publications
Elegantissima: The Design and Typography
Graphique de la Rue: The Signs of Paris
Scripts: Elegant Lettering from Design’s Golden Age
Italianissimo: The Quintessential Guide to What Italians Do Best
…
Polices produites
Mardell, une police d’inspiration futuriste italienne pour le Hamilton Wood Type Museum
Montecatini, inspirée par l’art nouveau italien
Marseille, une police qui sent bon La Belle France aux allures Art déco
Pour approfondir et en savoir plus : interview, podcast, documentaire…
📰 À lire : Interview de l’artiste sur son process et son workflow par 99u 🇬🇧
📰 À lire : 100 years of Herb Lubalin: Day 76 Louise Fili 🇬🇧
🎧 À écouter : Design Matters with Debbie Millman: Louise Fili interview 🇬🇧
🎬 À voir : Subway Series: Louise Fili par HELLER Films 🇬🇧
Apprendre avec Louise Fili
✏ Skillshare : Lettering for Brands: Working with Clients to Create Iconic Designs 🇬🇧 💰
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super article julie !!!!!!!!! bravo et merci !
🌸 Quelle femme !
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🌸 Je ne savais pas que Jessica H. avait été son élève. Merci Julie, c’est un article passionnant sous ta plume.