En septembre, nous dĂ©butions cette section pour prĂ©senter la scĂšne du lettering français en proposant de rentrer chez un nouvel artiste tous les mois. AprĂšs Stephâ, un incontournable pour entamer cette section, ce mois-ci câest au tour de JĂ©rĂ©mie Bonne de nous ouvrir la porte de son atelier quâil a exportĂ© Ă lâextĂ©rieur pour cette occasion.
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Qui est Jérémie Bonne ?
JĂ©rĂ©mie Bonne est le genre dâartiste dont on aime ou on nâaime pas le style. Câest un touche Ă tout qui adore explorer pour aller toujours plus loin. Sa marque de fabrique ? Les couleurs acidulĂ©es qui font vibrer vos rĂ©tines. Loin des Lettering Artists traditionnels, il apporte une belle touche de fraĂźcheur qui nâest pas Ă nĂ©gliger pour trouver un autre axe dâinspiration. Vous avez dâailleurs pu apercevoir un de ses travaux dans lâarticle dâinspiâ sur le challenge Together. Mais qui est rĂ©ellement JĂ©rĂ©mie Bonne ? Laissons-lui la parole :
Je suis JĂ©rĂ©mie Bonne, graphiste bordelais de 37 ans et amoureux de la lettre sous toutes ses formes. Jâai travaillĂ© dans la publicitĂ© durant une douzaine dâannĂ©e et puis peu Ă peu, jâai rĂ©alisĂ© que ce qui mâavait poussĂ© Ă me diriger vers la crĂ©ation Ă©tait totalement absent de mon quotidien. Ce sont les challenges du groupe Facebook Je Me Mets Au Lettering auxquels jâai beaucoup participĂ© qui mâont fait comprendre lâimportance pour moi de chercher, tester, dĂ©couvrir. Depuis, jâai fortement redirigĂ© ma carriĂšre vers le logo et le lettrage en rĂšgle gĂ©nĂ©rale. Je travaille principalement sur Illustrator et Photoshop mais depuis peu aussi sur Glyphs. Jâaime aussi travailler le papier dĂ©coupĂ© et de temps en temps la broderie. Mon prochain challenge, maĂźtriser lâIpad !
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Le projet de Jérémie Bonne
Il y a quelques mois, jâai Ă©tĂ© contactĂ© par le journal Le Monde via le collectif De MĂšche pour intervenir sur le Festival international de journalisme qui a lieu tous les ans, au mois de juillet, Ă Couthures sur Garonne. Les Apprentis Lettreurs mâont demandĂ© de raconter cette expĂ©rience et câest ce que je vais faireâŠ
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La parole à Jérémie Bonne
Revenons au mois de mars dernier : Les premiers beaux jours arrivent et avec eux le coup de fil dâun ami, Olivier Specio, plasticien, qui me propose de former un team pour rĂ©pondre Ă la demande du Monde qui lui est faite. Cette demande est assez simple, animer pendant la durĂ©e du festival, lâespace public du petit village de Couthures en apportant une lecture artistique aux divers thĂšmes qui y seront abordĂ©s (lâintelligence artificielle, lâaprĂšs #metoo, le rapport entre journalisme et politique, la dĂ©sinformation⊠jâen passe).
Comme vous vous en doutez, jâai acceptĂ© sans rĂ©flĂ©chir. Il soumet donc mon book ainsi que celui dâun troisiĂšme larron qui nâest autre que le graffeur John Bobaxx. Quelques jours passent et le quotidien revient vers nous pour valider lâĂ©quipe. Lâaventure commence.
Je dois avouer que, contrairement Ă mes deux compĂšres, je nâavais pas une grande expĂ©rience du live painting, jâavais animĂ© un atelier calligraphie pour une soirĂ©e organisĂ©e par une marque de spiritueux et jâavais rĂ©alisĂ© des vitrines de boutiques pour les soldes ou NoĂ«l. Et câĂ©tait tout. Et donc, si je me sentais honorĂ© dâavoir Ă©tĂ© invitĂ©, jâavais aussi une peur bleue de me planter et ma rĂ©action premiĂšre fut de travailler ardemment ma calligraphie. Il Ă©tait toutefois peu probable que mon niveau sâamĂ©liore de façon significative en quelques semaines. Il me fallait trouver un moyen de :
- Me rassurer sur ma capacitĂ© Ă produire un travail Ă la hauteur (il y a « international » dans lâintitulĂ© du festival)
- Cacher mes lacunes (qui bizarrement ne sautent pas aux yeux de tout le monde)
- Mâamuser
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Cette solution miracle est venue avec le sens. En effet, je savais (je sais) que sur le plan technique et esthĂ©tique, je suis loin dâavoir le niveau que je souhaiterais. Je devais donc dĂ©porter le problĂšme sur le fond et non la forme. Et câest dâailleurs ce Ă quoi sert le lettrage : donner du sens aux mots. De jolies lettres qui ne servent pas le texte ou qui apportent par leurs formes ou leurs connotations une ambiguĂŻtĂ© au texte, câest Ă mon avis, tout ce quâun (apprenti) lettreur doit Ă©viter.
Je me suis donc attelĂ© Ă Ă©crire des questions « absurdes » mais pas dĂ©nuĂ©es de sens (au propre comme au figurĂ©), avec lâidĂ©e dâen faire des affiches faites mains et Ă lâavance surtout, histoire de ne pas arriver les mains vides (câest malpoli) et de commencer le live painting avec la sensation dâavoir « dĂ©jà  » fait le job.
Ces affiches, en voici quelques-unes.
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Jâai essayĂ© avec ces affiches de donner une autre vision des thĂ©matiques du festival et de soulever par le biais de lâhumour des questions qui nâĂ©taient peut-ĂȘtre pas abordĂ©es au cours des diverses confĂ©rences. Je voulais interpeller les festivaliers et pour cela, il me fallait ĂȘtre pertinent. Il fallait Ă©galement lier les affiches entre elles, car je savais que je devrais les dissĂ©miner Ă travers le village. Jâai donc choisi 2 typos seulement, une casual et une mĂ©cane qui me permettaient de ne pas mâĂ©parpiller dans les styles et de crĂ©er un jeu de hiĂ©rarchie faisant ressortir les mots importants, accentuant ou attĂ©nuant la portĂ©e de certains mots.
Jâavais donc crĂ©Ă© mes 21 affiches et jâĂ©tais bien plus Ă lâaise Ă lâidĂ©e de travailler avec plusieurs dizaines de paires dâyeux derriĂšre moi. Jâavais prĂ©parĂ© quelques citations trouvĂ©es sur internet Ă cette fin.
Jâarrive donc dĂ©but juillet avec mes acolytes et je commence Ă coller mes affiches.
Nous avions reçu lâautorisation du maire pour investir certains murs mais câĂ©tait au final un espace trop restreint. Il a fallu donc convaincre les habitants dâaccepter dâintervenir sur leurs façades. Si les premiers ont Ă©tĂ© rĂ©ticents, trĂšs vite dâautres sont venus nous proposer leurs maisons pour coller, dessiner, exposer. Lâaccueil des Couthurains a vraiment Ă©tĂ© une superbe surprise. TrĂšs vite nous sommes passĂ©s dâun espace dâexpression de deux ou trois murs Ă la totalitĂ© du village. Jâai fait mon premier lettrage dans une petite rue sans passage et pour tout vous dire, il Ă©tait trĂšs moche mais trĂšs vite les mouvements se sont dĂ©liĂ©s, la main sâest libĂ©rĂ©e et je me suis senti hyper Ă lâaise.Â
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CâĂ©tait assez agrĂ©able de travailler avec les commentaires toujours trĂšs sympathiques des festivaliers. Beaucoup sâarrĂȘtaient pour discuter, Ă©changer sur notre travail ou sur le festival en gĂ©nĂ©ral. Il est clair que cette expĂ©rience mâa Ă©normĂ©ment boostĂ©. Quand on est lettreur, on a plus souvent lâhabitude dâentendre quâil y a dĂ©jĂ bien assez de typo comme ça et que ce que lâon fait peut ĂȘtre fait sur Word. LĂ , câĂ©tait tout lâinverse. Les gens Ă©taient intĂ©ressĂ©s et intĂ©ressants.Â
Pour conclure, je crois que je nâhĂ©siterai plus Ă participer Ă des projets qui me mĂšnent dans lâinconnu. Il faut faire pour apprendre et accepter que lâon nâest pas obligĂ© dâĂȘtre le meilleur pour ĂȘtre reconnu comme professionnel. Le principal est de prendre du plaisir Ă faire les choses, ça rejaillit toujours sur le rĂ©sultat.
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Merci à Jérémie Bonne pour cette excursion dans la rue et ces paroles encourageantes !
Rendez-vous le mois prochain pour découvrir un nouveau projet et un nouvel artiste !